A l’étroit dans votre langue ? Allez puiser dans les autres

Pour illustrer mon propos, je m’en vais prendre un exemple assez fréquent dans la vie adulte, lequel m’a été inspiré par une amie qui se confiait récemment à moi : le classique ménage à trois, un homme, sa femme, sa maîtresse. (On notera au passage combien la langue française maintient le substantif « maîtresse » au détriment de celui d’ « amante », jugé snob, alors que peu de personnes se risqueraient à dire « mon maître » à la place de « mon amant ». J’en discutais dernièrement avec une écrivaine suisse romande qui prétendait que le français conserve jalousement ses représentations figées, tandis que le suisse romand ose évoluer avec la société. Il admet le terme « écrivaine » tandis que les Français de France crient à la laideur et relève la présence du « vaine » alors qu’ils ne l’entendent même pas dans « écri-vain ».) Mais ceci est un autre débat et je reviens à mon histoire de mari et de maîtresse. Comme cela arrive souvent dans ce genre de situation, lorsque le mari parle à sa maîtresse d’un événement qu’il a vécu avec sa femme, il emploie le pronom personnel « nous ».

Ce « nous » est injuste et fourre-tout. Dans l’oreille de la maîtresse, il évoque la relation mari-femme dont elle est exclue. Le mari emploie le même « nous » lorsqu’il parle à sa maîtresse du couple qu’il forme avec elle, aux heures volées à la vie familiale, sociale et professionnelle. Ce « nous », douloureux à entendre dans l’oreille de la maîtresse, le serait tout autant à l’oreille de la femme si son mari venait à lui narrer les escapades avec sa maîtresse.

Grâce à la lecture de l’amusant essai d’Alex Tailor, Bouche bée, tout ouïe (ed. Jean-Clause Lattès, 2010) j’ai expliqué à mon amie qu’il existe des langues faisant des distinctions qui sont inconcevables dans la nôtre. De même que les Espagnols font la différence entre le vous (indiquant le pluriel) et le vous de politesse (Usted), de même que les Allemands distinguent le « sie », féminin singulier, du « Sie », formule de politesse, elle n’avait qu’à inviter un autre mot pour le « nous » de son amant lorsqu’il évoque son couple officiel. Je lui ai suggéré de créer le « nuche » et de garder le « nous » pour la relation privilégiée avec son amant. Ainsi…

Le mari : « Nuche avons dû passer le week end de l’Ascension chez ma belle-mère mais je n’ai pas arrêté de penser à nous pendant tous ces jours ».

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