Origine des Éditions Migrilude

Mon envie d’éditer des livres bilingues a vu le jour en 2003.

Je voulais créer une activité indépendante et avant de choisir l’édition (qui rend certes indépendante mais … qui implique au départ de dépendre d’autres activités pour être financée), j’ai fait le tour des choses qui m’intéressaient dans la vie et qui la caractérisaient : les êtres humains, leurs langues, les échanges, les livres, les livres pour enfants, les histoires de migration et de passage de frontière, le bilinguisme, les enfants bilingues (comme l’étaient mes filles dans leur tout jeune âge), les familles bilingues (comme celle que j’ai créé pendant un temps), les voyages, l’art … graphique.

A l’époque, je dirigeais une revue sur les bibliothèques en France et je me sentais bien lorsque je travaillais les textes, lorsque je recherchais les images à agencer, bref lorsque je composais la revue. J’aimais interviewer les gens et les entendre raconter leur histoire, leur expérience et leur point de vue, toujours en lien avec le livre, j’aimais partager ces instants d’échange avec eux puis retourner au silence de mon bureau pour coucher mots et témoignages sur le papier. J’aimais donner la parole à ceux qui ne l’avaient pas, de part leur statut professionnel ou du fait qu’ils innovaient avec un livre, un nouveau concept ou un type d’animation en bibliothèque qu’ils avaient créé avec leurs tripes.

J’ai commencé à acheter tout ce que je trouvais en livres bilingues pour enfants à Paris et à parcourir assidument la presse spécialisé en littérature jeunesse… Je n’ai pas trouvé beaucoup d’articles sur le sujet si ce n’est celui de Citrouille, la revue éditée par L’Association des libraires spécialisés jeunesse dont le n° 22, daté de mars 1999, consacrait un dossier sur les livres bilingues. Je connais par cœur le texte du début : «  Nous étant penchés sur la production de livres bilingues en France, nous relevâmes la tête surpris : ben dis donc, il y en avait encore moins que ce qu’on croyait ! » Je vous renvoie à ce numéro si vous voulez lire la suite. L’Association a aussi un site et un blog : http://lsj.hautetfort.com/

Durant le même mois (mai 2003) j’ai assisté à deux conférences. L’une était organisée par l’Unesco et présentait des expériences menées dans les bibliothèques de différents pays (notamment Allemagne et Suède), avec les publics migrants, et les documents mis à leur disposition pour répondre à leur besoin de rester en lien avec leur langue et leur culture. L’autre était organisée par l’Association des bibliothécaires français et traitait de la pluralité culturelle en bibliothèque.

Au cours de ces deux conférences, j’ai vu et entendu des bibliothécaires présenter des livres d’images bilingues confectionnés manuellement parce que le marché du livre proposait très peu d’ouvrages bilingues pour enfants dans les langues de migration des années 2000. J’ai donc pensé qu’il y avait là quelque chose à faire pour moi. C’est ainsi que je me suis approchée de Thi Chi Lan.

Thi Chi Lan était à l’époque bibliothécaire dans les secteurs asiatiques et jeunesse à Paris. Elle avait constaté combien le fonds jeunesse était pauvre en imagiers bilingues et notamment en français-chinois. Un ou deux albums anglais-chinois composaient le fonds, elle pensait qu’il faudrait au moins leur équivalent en français. Elle imaginait même mieux que cela : des imagiers bilingues français-chinois. Artiste à ses heures, elle avait commencé quelques dessins qu’elle avait montrés à des éditeurs réticents. « Quoi, des livres pour les immigrés ? Ca ne rapporte rien ! »

Elle constatait pourtant que le besoin en livres bilingues simples était là et pas seulement pour les enfants mais aussi pour alphabétiser les parents et notamment les mamans. En effet, ce sont les enfants migrants, lesquels sont scolarisés, qui font venir leur maman à la bibliothèque. IIs rapportent les livres empruntés à la bibliothèque et ils les lisent, les traduisent, les expliquent à leurs parents. La simplicité du texte d’un livre jeunesse est encourageante pour un adulte débutant dans une langue.

C’est ainsi que Thi Lan voyait revenir à la bibliothèque les mêmes enfants accompagnés de leur maman à la recherche de livres d’images dans lesquelles elles pourraient apprendre le français avec leur enfant. Thi Lan les orientait vers des associations dispensant des cours de langues, élargissant ainsi leur univers quotidien, leur proposant une intégration en douceur. Elle imaginait bien qu’en proposant davantage d’albums bilingues, voire des imagiers, elle répondrait à la demande de ces personnes, car la présence de leur langue maternelle présente dans des livres disponibles en France est valorisante pour ces familles.

Les enfants sont en effet confrontés à deux cultures. Comme ils sont scolarisés, leur intégration se passe bien. Mais comment faire quand l’un de leurs parents ne parle pas le français ? La fonction du livre bilingue permet aux parents de s’intégrer dans le système français à travers la langue et permet aux enfants de garder un lien avec leur langue d’origine. 

Origine des Éditions Migrilude
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